samedi 14 janvier 2012

Interview BABS UV-TPK

Déçu de l'interview de Gossip Graffiti, je me suis dit "allez tiens posons quelques questions à BABS".

Comme je le dis dans certaines questions, BABS, fin 90-début 2000, avec le peu de sources qu'on avait à disposition en tant que provinciaux, c'était une référence du Style. En à peine 5 photos, il avait marqué au fer rouge un bon nombre de mecs de mon coin...Entre le simple et le semi-wild, s'il fallait absolument l'étiqueter, mais surtout pleinement graffiti. La lettre, stylisée, dansante, dans toute sa splendeur. Il n'aurait fait que les 2 CIEL qui suivent que ça nous auraient déjà suffi, mais il a fallu qu'en plus il fasse une multitude d'autres identités sur roulant, et des chromes avec ses différents associés...



Je vous laisse parcourir son Flickr, et tous les sites possibles et inimaginables pour trouver des photos, place aux mots.



Pour moi, entre la signification et la consonance de l'un des plus fameux alias, CIEL, et ton style, tu représentais à la fin des années 2000(et encore aujourd'hui j'te rassure t'es pas has-been) l'élite du graffiti. L'Idéal, le Style vers lequel tout l'monde essayait d'aller, avec réussite ou non. Qu'est-ce que ça fait de savoir que des adolescents partout en France te vénèrent? Tu en avais conscience?

Et bien honnêtement non, je ne pensais vraiment pas avoir eu spécialement d’influence sur qui que ce soit, et encore moins d’être vénéré, ou d’avoir une quelconque reconnaissance sorti du cercle des «Underground KINGS», je pense que ça ne doit pas être le terme approprié pour ceux qui apprécient mes œuvres, bien sûr c'est toujours gratifiant de savoir que ce que l’ont fait plait, même si ma démarche n’a jamais été dans ce sens, savoir que peut-être j'ai influencé ou motivé certaines personnes me dépasse, et d’une certaine façon me conforte et réconforte dans l’idée où je me dis que j’ai peut-être apporté quelque chose à notre histoire, comme l’ont fait les cainris à mes débuts, je me dis avoir peut-être cette légitimité d’écrire mon histoire et qu’elle intéressera peut-être quelqu'un.

Tes alias ont-ils une origine précise? J’veux dire CIEL c’est poétique comme nom, ça change du côté «dur» des blazes habituels...

Non pas spécialement, c’est surtout par concours de circonstances que me viennent mes pseudonymes, que le nom sonne et que les lettres m’inspirent, après pas de nom ridicule sont les seuls critères.

Avec le recul, et surtout avec la photo du sketch BABS que tu as posté ce matin, je me dis que CES a dû te traumatiser, comme moi ou mon pote, comme tant d'autres, à la sortie de la VHS des FX. Tu t'influençais volontairement de lui? Ou c'était le flow de l'époque?

Pour en arriver à CES il faut revenir à mes débuts, je me suis inspiré essentiellement des FBA, des TC5, de DOZE et plus particulièrement du OMEGA qu’il avait fait, qu’on voit dans Spraycan Art, qui lui m’a traumatisé et me traumatise encore de par son niveau intemporel. Mais aussi de SKEME, PUPPET, DONDI, SEEN, DERO, de MODE 2, BANDO, SHOE et COLT pour mes débuts, ça a été ça mon école de la lettre, comme je l’ai mis en images sur mon profil FB.

Après je me suis essayé à pas mal de trucs, j’ai suivi certaines modes, mais j'suis vite revenu aux sources et à ce que j’aimais. J’ai continué à travailler mes lettres sur papier avec ces bases là. L’école 3HC, BROK et EMOY, m’a beaucoup apporté tant au niveau de la réalisation, mais aussi dans la façon de voir et revoir mes pièces, et d’envisager des choses beaucoup plus travaillées et plus propres sur roulant.

C’est aussi par leur biais que j’ai vu les premières photos des FX, de LOOMIT, DAIM et les autres, bien avants leur VHS, mais quand j’ai vu le travail à CES ça a été pour moi un déclic, l’évolution vers laquelle je voulais avancer. Je travaillais mes lettres essentiellement avec des styles qui dataient de plus de 20 ans, et là je retrouvais l’essence de ce que j’aimais, l’évolution du style NY à travers ce qu’il faisait.

J’ai donc préféré taper très haut en m’inspirant pour moi de la meilleure référence, pour espérer être le meilleur dans mon domaine. Je me disais simplement que si j’arrivais à rentrer quelque chose d’aussi fort sur roulant, à mettre «le NEXT LEVEL» à la concurrence, comme je l’écrivait souvent à l’époque dans mes pièces, j’aurais gagné! Car j’avais encore tout à prouver et surtout à me prouver, j’avais besoin de cette reconnaissance, celle qui te permet d’avancer, d’essayer de faire toujours mieux, c’était ma motivation, et lorsque tu tombes sur un partenaire comme FREZ tout est réuni pour le faire, on se poussait mutuellement vers le haut. Après je te dirais que je n’ai rien inventé mais que j’ai su m’inspirer, m'imprégner tout simplement de ce que j’aime.

Tu prêtais une attention particulière aux couleurs? J'veux dire tu préparais chaque graff avec des yeux d'enfants, de passionné? Genre "Tonight's da night", ce soir c'est LE grand soir, je sors LE graff de ma vie.

J’aurais aimé pouvoir profiter de dessiner comme à mes débuts, faire des sketchs en couleurs et coucher mes idées sur papier à en remplir des cahiers et des classeurs, mais ce temps à été révolu lorsque le roulant est devenu mon quotidien, garder une esquisse ou autre chose qui s’apparentait au graffiti était exclu, pour ne prendre aucun risque, ne laisser aucune trace. J’ai continué à faire quelques esquisses juste avant d’aller en mission ou sur le trajet, sur un morceau de papier ou un ticket, et ce jusqu'à l'improvisation totale. Par la suite il m’est arrivé quelques fois de descendre avec des esquisses pour éviter de me répéter et gagner du temps sur la réflexion, mais rien d’abouti ou en couleurs, j’ai perdu cette patience et l’envie de faire ce que j’apparente à du coloriage. Je t’avouerais que je ne dessine que lorsque qu’on me le demande ou quand j’ai le temps, je préfère travailler mes lettres pour des buts précis ou sur des supports originaux, comme le Wall to Wall que j’ai réalisé pour Flopiart ou la maquette de métro pour l’expo «Trains of Fame».

Par contre quand il m’arrive d’aller faire un terrain, depuis que j’ai tout arrêté, c’est que j’ai pris le temps de faire un sketch qui en vaut la peine, et que faute de pouvoir le faire sur du roulant je le réalise en terrain.

Tu penses que d’un coup, à 50 piges, tu pourrais repartir à l’assaut des trains? Ou que c’est vraiment le passé? T’es tranquille avec ça ou ça te démange?

Ceux qui ont vécu cette passion comme j’ai pu la vivre, qui lui ont donné leur temps et leur amour pendant 20 piges te le diront, tu ne peux pas oublier ces moments et passer à autre chose, honnêtement j’essaie, mais chaque jour j’y pense…Tu me projettes dans le futur à 50 piges, mais la vraie question, c’est pourrais-je repartir demain à l’assaut d’un métro…et là je te dirais que tant que ma raison l’emportera ça restera du passé. Seuls ceux qui l’on vécu et pense comme moi peuvent comprendre, c’est dans mes gènes maintenant, j’ai tellement inhalé des vapeurs de bombes collé au métro que j’ai de la peinture dans mon ADN, j’ai la crasse des tunnels dans les poumons, elle sommeille en moi mais combien de temps encore, j’ai besoin de me sentir vivre avec, ma main me démange, je devrais me branler…mais comme tu le sais c’est toujours mieux de baiser !

Comme 90%(chiffre totalement arbitraire, et certainement bien au-delà de la réalité) des graffeurs tu as une fascination pour Subway Art, et pour le support roulant. On entend tout le temps dire que le roulant c'est "LE SUPPORT", l'endroit d'origine du graffiti, etc. Moi par exemple c'est pas du tout mon avis. Même si j'ai été fasciné par Subway Art et Style Wars, j'ai grandi dans une ville où le roulant n'est pas le mode de transport naturel. Donc c'est le graffiti "street" qui a toujours été mon idéal. Les longues marches, les tags, les throw-ups, les blocks. Le train n'a quasiment jamais fait partie de ma vie, et à ce titre je m'en foutais complètement d'en peindre. C'est uniquement culturel, c'est de l'acquis qui m'a fait peindre quelques roulants, plus tard, pour le jeu et le support plastique. Je te laisse me parler de ton point de vue.

J’ai grandi en banlieue proche de Paris, et avant même de m’intéresser au graffiti, je jouais dans les trains gris aux Ardoines, à voler des fumigènes et des boissons dans les trains de marchandises. Les trains, bus et métros faisaient partie intégrante de ma vie de tous les jours pour me déplacer.

Quand j’ai pour la première fois feuilleté le Subway Art, ça a été juste une évidence, c’était l’endroit où le graffiti prenait tout son sens, parce qu’il prenait vie, côtoyait la nôtre et celle des voyageurs, en s’imposant de la façon la plus directe, et la plus marquante, qu’ils aiment ou non! Et que demander de plus qu’une galerie à ciel ouvert qui circule de banlieue en banlieue, en traversent le tout Paris et ses beaux quartiers avec ta propre pub.

Comme je le dis souvent pour moi le graffiti c'est aller vers les autres, exister…et ce support était et reste pour moi le meilleur moyen d’allier les deux, le moyen de se différencier des autres vandals, car il est beaucoup moins accessible qu’un mur ou une rue donnée à tout le monde. Bien que le mérite ne s’évalue pas aux prises de risques, il faut tout de même les prendre en compte et reconnaitre qu’entre les amendes astronomiques, que nos vies soient plus exposées à un accident mortel, et le mal qu’on se donne pour y arriver, ce n’est pas comparable. Ce qui est rare et difficile à avoir, a toujours plus de valeur et rend l’histoire plus belle et plus intense… voila pourquoi le roulant reste pour moi «LE SUPPORT» pour le graffiti.

Tu joues au échecs?

Oui…et ?

Tu as un bon niveau? Qu’est-ce que ça t’apporte?

La stratégie, la réflexion, l’observation, l’anticipation, l’analyse globale d’une situation. Je ne pourrais pas t’affirmer que ça m’a apporté quelque chose de plus, car j’ai toujours utilisé ces facultés dans tout ce que j’ai entrepris, un bon niveau je ne sais plus car je n’y ai plus joué depuis pas mal d’années, mais j’étais un adepte du grand roque, certain disent que c’est comme le vélo....

Tu suis le graffiti actuel?

Je t’avouerais que non, car ça ne me parle que très rarement, je regarde les actions dans certaines vidéos via Youtube et autres liens, j’en vois de belles mais l’évolution du graffiti, la direction prise n’est pas dans ma vision du graffiti que j’aime, au final je ne retiens même pas les blazes des mecs. Le seul nom que je donnerais qui m’ai marqué c’est BRUS SDT je crois, le mec a un niveau de malade sur murs comme sur trains, du très lourd.

C’est une question de styles ce «rejet»?

Oui les styles ne m’interpellent pas, il m’arrive de voir rouler des trains avec des pièces vraiment d’un niveau très faible, même si on n'est jamais près et qu’il faut bien se lancer, il y a un minimum, soit les mecs ne sont vraiment pas doué, pas faits pour ça, ou n’ont pas de talent, mais ceux que j’ai vus ne sont pas au point, je ne sais pas si ses mecs la dessinent, mais si ce n'est pas le cas ils devraient, je ne sais pas s'ils ont le recule quand il regarde leur photo mais il le faudrait; Je n'aurais jamais osé me lancer et faire des trucs pareils sur roulant même si j’aurais eu le plan. trop prennent pour excuse le faite que ce soit du roulant pour faire des merdes, justifier leurs merdes où affirme que c’est leur style. Après je sais resté objectif et rendre à César ce qui lui appartient quand ça en vos les peines, même si j’aime un style précis, je suis très ouvert et pense reconnaitre avec suffisamment de recule quand un truc est violent même si la pièce n’entre pas dans mes critères de gouts. Tout ça pour te dire qu’au final je m’en fous complètement, chacun sa merde comme ont dit.

Si tu devais monter un crew, genre The Expandables du graffiti, la meilleur équipe de missionnaires de tous les temps, à qui fais-tu appel? T'es pas obligé de me répondre "Mon crew", même si je suis d'accord avec toi! Parles-moi de mecs que tu apprécies, toutes époques confondues, tous pays, qui font "ton monde graffiti".

Comme tu l’as si bien dit je te répondrais mon Crew!!! et tous ceux avec qui j’ai partagé un bout de chemin à travers les tunnels et les trappes, avec qui j’ai galèré et attendu les photos pendant des heures, ce sont eux qui ont fait mon monde graffiti. Je ne peux pas te parler de Dream Team sans parler de liens, pour moi c’est indissociable, car avant de penser à créer le truc artistique le plus dingue du siècle, en sélectionnant les meilleurs dans chaque domaine, ce qu’il y a de plus facile, je vais mettre en avant le côté humain, qui est pour moi le plus important, le facteur qui fait que ton équipe tient la route, sans balances, sans baltringues, que des mecs bons délires qui ont des couilles, ceux qui ont les mêmes valeurs, façons de voir et de penser.

J’aurais très bien pu te dire des noms comme DAIM, DOZE TC5, SKEME, CES, REVOK, MODE2, EWOK, SEEN, SHOE, TOAST, SABER, SWET…et quelques autres, mais rien à foutre car ça ne vaut rien, au final c’est du vent tout ça…je ne les connais pas! Je préfère te citer ceux que j’ai connus ou croisés, des mecs qui méritent, des Braveheart bien au delà de la peinture, de mettre dans cette équipe de rêve, des gens comme RAP, FUZI, FIZZ, ORSE (RIP), FREZ, SEZAM, FINT, KEAG, SORE, SONOR, OBY, ASTUS, RUZER, SUBEA, EY ONE, TRANE, SPADZ, DEXA, SALAM, MOCK, ACE (RIP).

Sans me connaitre le moins du monde, quelle question te viendrait immédiatement à l'esprit?

T’es qui ?

Penses-tu que ce ne serait pas mieux si l’on ne connaissait pas les gens, et que l’on avait que leurs oeuvres à apprécier?

Non justement, je préfère savoir et laissé un mythe s’effondré plutôt qu’être aveuglé par son travail. pour moi ce qui fait la notoriété et donne de la valeur à un nom c’est aussi et surtout la personne qui le porte qui il est, et pas seulement ses performances, il y a des valeurs à avoir, l’exemple le plus courant dans notre domaine c’est la superstar fiote qui crache le nom de ses potes ou d’autres au commissariat, maintenant tout ce sais et ce ne sont plus que des rumeurs… surtout que de nos jours certain arrive à se procurer les dépositions ce qui ne laisse plus de moyens de nier les faits ! d’ailleurs j’espère un jour qu’elles seront publié d'une manière ou d’une autre !

Etant donné que tout le monde s'y met, peut-on s'attendre à un livre de ta part? Sur toi ou un tout autre sujet.

Certainement, maintenant que j’ai fini avec l’illégal, il y à un moment où tu souhaites réunir tes plus beaux clichés, tes plus belles histoires…Juste histoire qu’il reste quelque chose de toute cette énergie et de cet amour donné sans compter à une passion.

Le meilleur dessin-animé de tous les temps?(après relecture finale j'me dis, "évidemment!", mais sur le coup c'était une de mes questions improvisée)

Entre COBRA et TOM SAWYER…

COBRA !!!

1 commentaire:

  1. Tout est dit: il n'y a qu'à voir ce que SHAME et POEM , pour ne citer qu'eux, envoyaient sur le métro de ny il y a bientôt 30 ans, pour s'apercevoir que nous ne générons que des revivals... Même nos styles "new-school" sont produits en scandinavie, allemagne entre-autres, depuis au moins 15 piges... C'est juste qu'en france, personne n'était préparé à se prendre des tartes face au style de BABS, lol! 'Faut avouer quand même que ses panels sont super propres aussi, ça ajoute encore à la qualité de ses lettrages auxquels il a réussi a imposer "sa" griffe... Ah ouais, et puis à paname, si tu prends pas les transports en commun... Eh bah tu fais rien tellement c'est la mission pour bouger. Donc, t'es forcément obligé à un moment ou à un autre, de t'immerger dans les profondeurs magiques du métro... Même dans une ville comme lyon qui est déjà bien vaste, t'es pas obligé de tout le temps te déplacer via les transports en commun, à paris, c'est limite impossible...

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