vendredi 12 octobre 2012

Interview SHERO TSM: Tout Simplement Mortel


Internet c'est tout d'même un bel outil, qui permet au détour d'une page FB il y a un peu plus d'un an de rencontrer SHERO TSM. J'avais envoyé les questions à l'époque, 2-3 relances, et voici les réponses et une discussion agrémentée au fil des mails.



Tout Simplement Mortel...Un nom plein d'egotrip, d'attitude, totalement représentatif d'une époque. Comment tu raconterais ce qu'il en était plus de 20 ans après?

Une époque où les jeunes de tous bords, cités comme beaux quartiers, faisaient des conneries, pas pires, pas meilleurs qu’avant ou que maintenant, un moyen de s’injecter de l'adrénaline, d'être reconnu, d'être avec sa bande de potes, de faire un truc de nouveau pour l'époque, qui démarrait, donc intriguait au début, puis c’est vite devenu trop pour la population, ras-le-bol des dégradations, concentrées à Paris et région parisienne, et Marseille, peu en province, puis la contagion après 92 à toute la France.

Là je rectifie! En 1987 dans la plupart des villes de province il y avait des pionniers, et dès 1988 c’était cartonné! 1992 c’est plutôt l’apogée, et forcément après, la descente...

Ca ne m’a pas marque, j’ai été dans le sud, dans l’ouest, je n’ai rien vu sauf à Marseille, alors que Paris en 90 était couvert, grosse déferlante AEC, MKC, VEP, etc.

La meilleure marque pour le chrome(argent) à l'époque?

Je suis pas un pro, mais on allait se fournir à Blanc-Mesnil dans la zone pavillonnaire, je ne me souviens plus de la marque mais ça couvrait bien et en plus on pouvait mettre de la couleur dessus sans qu’elle soit absorbée comme avec la Krylon.









3 mecs méconnus qui pour toi auraient dû avoir leur quart d'heure de gloire médiatique?

Je citerai REMOZ, JP, ACE.

Tu peux m’en dire plus sur eux?

Pas grand-chose a vrai dire, car je n’ai vu que peu d’œuvres d’eux mais c’est aussi pour ça, car le peu que j’ai vu notamment a Garibaldi montrait qu’ils maitrisaient leur style, la technique et je trouvais qu’ils étaient en avance par rapport a ce que l’on voyait en 89.

Des projets en cours dans cette effervescence éditrice?

Question graffiti, j’ai arrêté en 91, serré par les flics dans le métro, ça m’a refroidi, j’ai vu d’autres autour de moi prendre pour plus, ça nous a tous refroidi et on s’est calmé. Pas de projet en cours, juste partager les photos de l'époque et se rappeler les bons souvenirs…comme des petits vieux.

T’as quand même un sacré paquet d’archives mortelles...Tu prenais beaucoup de photos? Est-ce qu’à un moment on ne devient pas spectateur malgré soi? 

Spectateur, mais pas malgré soi car pleinement acteur, le but était de piocher des styles, garder des souvenirs, comparer, analyser, plus que simplement collectionner des photos. 










Comment les nouvelles phases de tags naissaient à l'époque? Grattage de papier? Voyages? Eclairs de génie?

Je pense que ceux qui pouvaient voyager régulièrement étaient les plus chanceux pour s'inspirer d’autres styles. Sinon, c’était les sketchs, le tour hebdomadaire de tous les terrains pour voir ce qui sortait, les photos, les inspirations volées, on voyait le freestyle se développer même si LOKISS était déjà des années en avance, suivi par JAY et MEO. Du génie peut-être pour certain, du style ça c’est sûr et il y avait une multitude de lettrages et de styles. Puis on a commence à voir des familles de styles se regrouper, quand MODE a fait son LUCREZIA en rose à Bir Hakeim, tout le monde s’est mis a faire du rose, bleu pâle, le style Quai de la Gare 90/91.

Ah ouais à ce point-là? Je savais que MODE était influent, mais pas à ce niveau...

Il me semble que ça a déclenché certains styles. Mais bon d’autres diront le contraire ou un point de vue différent. Dès que MODE a sorti ces couleurs, son lettrage avec les «E» et «S» comme le SCHEL, ça a été le début d’un autre style chez tout le monde.








As-tu retrouvé grâce à Internet des photos de tags/graffs dont tu désespérais de revoir la trace?

Oui absolument, c’est magique, mais il y en a tant qui restent encore dans les boites à chaussures, il faut que leurs propriétaires se décident à partager pour leur donner une nouvelle jeunesse.

Que penses-tu de l’intellectualisation du graffiti? De mecs comme moi qui cherche à faire parler les gens, à les pousser à expliquer, à parler, parler, parler...

Dès le début il y a eu une recherche d’analyse du mouvement par les sociologues interrogés dans les journaux suite aux éclats dans le métro, ou a la télé qui couvrait la montée de cette nouvelle culture. Donc rien d’étonnant, de révoltant, ou d’anormal à ça. Le graffiti était lié au rap et à toute cette nouvelle culture, à l’époque combien de fois on a entendu que ce n’était qu’une mode passagère. La réalité a montré que c’est maintenant entré dans les mœurs, le rap, c’est ancien, déjà vu, on aime, on n’aime pas, affaire de goût mais ce n’est plus le moyen d’expression clandestin, nouveau, revendicatif, porte voix de la jeunesse, comme décrit à l’époque, le graffiti c’est pareil. J’imagine que les jeunes d’aujourd’hui le font pour les mêmes raisons, à savoir la gloire, le sentiment de reconnaissance au sein d’un groupe d’avertis. Donc continuons à analyser le phénomène, surtout à faire parler les anciens pour revigorer la nostalgie et les souvenirs, c’est tout ce que je tire des interviews. Je suis plus friand des trucs croustillants, des aventures, des embrouilles etc. que du pourquoi comment cette culture.

Que penses-tu de la carriérisation du graffiti actuel? Avec des mecs qui peignent depuis 10-15 ans, comparativement aux carrières très courtes des débuts?

Je ne suis pas impressionné, s’ils sont heureux et se réalisent ainsi, je suis content pour eux mais sans plus. Pour moi le graffiti c’est un moment de jeunesse, de la déconne, de l’interdit, un truc de potes, pas trop un business, un avenir. Mais bon il y en a pour qui ça marche et c’est tant mieux. Je ne vais que rarement aux expos de trucs récents, plus intéressé par les trucs anciens. Je suis reste bloqué aux années fin 80-début 90.

Étant moi-même complètement bloqué en 1993-94(graff, musique, vêtements, etc.), je comprends parfaitement! Mais pourquoi aimes-tu autant ces années? Est-ce le Style, les traits, les couleurs? Précise-moi ce qui te plait le plus dans le graffiti de l’époque. 

Plus simplement parce que c’est une époque que j’ai vécue. Je peux me comparer, comparer ma technique à ce que je vois de cette époque car je sais par où on est tous passer pour arriver à faire ce qu’on faisait. Quand j’ai arrêté, je ne m’y suis plus intéressé pendant des années. J’ai perdu mon book, à priori prêté pour une longue durée a MEGATON, et j’avais d’autres centres d’intérêts. Quand je m’y suis re-intéressé, par hasard, au détour de cette page, j’ai vu que le style, la technique, les inspirations des trucs récents avaient tellement évolué, que j’en avais perdu mes repères, mes bases, si bien que inconsciemment, je n’accroche pas et je cherche a retrouver mes repères a savoir les noms que je connais, le style, la technique que je sais comparer, apprécier. Les trucs récents ne me parlent pas, c’est trop propre, trop recherché, moins interdit, trop pensé, aseptisé, trop similaire de par le monde. Alors que dans Spraycan Art, chaque pays a son style, son identité.

2012 ça va être comment?

Dur, très dur et 2013 sera pire, on avait dit la crise financière derrière, c’est pas vrai et la crise économique n’est pas prête de se terminer. 

La civilisation court-elle à sa perte, et si oui dans combien de temps? Moi je rêve que l’être humain disparaisse, j’estime qu’on a fait trop de dégâts à des millions d’années d’évolution. 

C’est louable, j’ai juste l’instinct de survie, donc je ne souhaite pas notre perte, mais plutôt des jours meilleurs. Mais bon, il faut faire avec ce nouvel ordre des choses, qui comme les Trente Glorieuses, les chocs pétroliers etc. façonnent irréversiblement notre monde, vivons avec et tirons-en le meilleur. Il y a plein de truc sympas à faire et à vivre.

Une question pour moi?

Qu’est ce qui t’attire le plus dans le graffiti ?

L’insouciance, l’extase de la contemplation des couleurs, ce qu’elles évoquent, leur pouvoir poétique. Comment une personne peut écrire une histoire sans fin, juste avec un nom, dispersé ci et là jour après jour. Le bruit de la peinture et du gaz qui sort de la spray. Les rencontres avec les droguistes-quincaillers. La découverte de la ville, de son histoire, de son architecture. Caresser mes briques rouges, et les maquiller avec du chrome. Marcher le long des voies ferrées, et être hors du temps social. Je pourrais continuer pendant des heures, les gens ne se rendent pas compte de tout ce qu’englobe le graffiti. 

C’est poétique, pour moi c’est plus la gloire, l’adrénaline générée par l’interdit, le style quand je mesure l’effort et le compare a ce que je sais faire, l’endroit, la compétition, la comparaison avec d’autres.

La recette que tu réussissais le mieux? 

Le block argent avec contour couleur ou le block-letter de base, bien gros façon tunnel métro, je n’avais pas les proportions dans l’œil, emmerdant quand on fait du grand format sur les murs.



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